Je me suis toujours dit en entendant l’expression « développement personnel »

que quelque chose ne me convenait pas dans cette appellation qui dit  bien ce qu’elle est : un développement du personnel ! Une mise en lumière de notre part humaine, horizontale, un doigt pointé sur la souffrance, de celle qui nage en eaux profondes, piégée dans les méandres subconscientes dont l’accès est si difficile, reléguée par dénis, peurs et autres incapacités à accueillir les choses comme elles sont, et non comme on aurait souhaité qu‘elles soient… J’ai toujours fui cette mode analytique, faussement introspective, qui pousse à  se tourner vers un passé révolu et à  s’y attarder, afin de trouver des réponses à un mal-être tenace, ou pour mieux se connaître dit-on.  J’ai trouvé plutôt incohérente cette approche qui voudrait qu’on aille mieux au présent en étant plongé dans un passé dont on sait qu’il nous a rendu si malheureux ! Je sais bien… aller dénicher les causes, creuser, analyser, et parler de soi, de soi et encore de soi est un bon moyen, croit-on, de se libérer de cette souffrance enfouie, manifeste, ou bien voilée derrière le masque. J’ai douté, je l’avoue, d’une possible guérison, et si j’en ai douté c’est parce que j’ai constaté que si l’analyse était souvent juste, que la compréhension semblait claire, que les liens de cause à effet paraissaient établis, pourtant la souffrance, et sa ribambelle de comportements significatifs entraînant des situations difficiles, continuait de sourdre, visible, ou pas d’ailleurs, et de projeter la personne dans des scénarii cruellement identiques à ceux d’un passé dont elle pensait être libérée…

Mais comment éradiquer la souffrance en la traquant à partir d’un état qui EST celui de la souffrance justement ?! Comment défaire des nœuds en utilisant un mental qui est à l’origine de cet imbroglio ?! Comment prendre de la hauteur en demeurant sur le même plan que ce que l’on souhaite éclairer ?! On ne peut résoudre un problème en l’abordant avec les outils qui ont  justement généré ce dernier. Le mental est à la source des interprétations qui créent la souffrance, il ne peut aussi en être le guérisseur ! Bien sûr, il est primordial de se connaître ! Connaissance de soi, incontournable dans un chemin qui se souhaite de vérité, de transparence,  et de justesse. Mais à force de tourner autour de l’ego souffrant, on finit par lui donner une  importance qui nous éloigne de ce que nous cherchons. Il y a dans ce développement personnel, une inflation de l’ego, dont les intéressés n’ont pas conscience, tout à leur satisfaction d’avoir des réponses… agencées par le mental en un tissu apparemment cohérent, dont l’histoire semble solide, juste, satisfaisante pour le mental qui reprend ainsi le pouvoir, renforçant un ego qui n’en a pas vraiment besoin. C’est d’ailleurs très difficile de déloger les personnes de ce point de vue faussement distancé, persuadées qu’elles sont d’avoir fait un travail sur elles… Ce qui anime l’humain égotique c’est avant tout le besoin de reconnaissance, et le développement personnel, entretient de façon subtile cette attente : en effet, la personne en tant que personnalité construite, est au centre du débat, les projecteurs la rendent enfin importante, on l’écoute, on l’accompagne, dans ce qui pourrait sembler un juste chemin, mais qui l’éloigne en fait de son Centre… Le regard se porte sur l’extériorité, parce que la personnalité, ce masque élaboré au fil du temps, n’existe qu’en fonction de l’autre, de l’environnement extérieur, de ces liens construits sur un système de dépendance et de reconnaissance.

Alors, sans aucun doute la connaissance de soi est indispensable ! Mais à une condition, et pas des moindres, qu’elle ne soit pas le but mais le moyen d’accéder à ce qu’elle ne peut même pas envisager, parce que le mental/ego ne peut le concevoir, une autre connaissance, ou devrions-nous dire re-connaissance du Soi. C’est ainsi que tout changera dans ce chemin de connaissance de soi, qui se vivra essentiellement au présent !!! Pas de retour volontaire dans le passé ! On ne peut, si l’on souhaite en guérir, y macérer en ruminant les tenants et aboutissants ! Non, c’est le présent l’outil majeur et magique. C’est au présent que le passé s’alchimise, se révèle et déploie ses arcanes si convoités… Revenir au présent, en observateur épris de bienveillance et neutralité : pas de jugement, pas d’analyse, pas de tentative de compréhension. Une vraie présence à ce qui est. Et cet état est celui qui non seulement ouvrira les portes de ce passé enfoui, mais aussi, par une attention du cœur, une intention pure, une aspiration fervente à transcender la souffrance humaine, offrira avec le temps, et une persévérante patience, une ouverture sur, vers, une Intériorité riche de réponses imprévisibles, inattendues, élevant le « débat » au-delà du mental, dans une sphère où la compréhension devient évidence, simplicité, clarté, sans interprétation aucune des faits, qui ne sont que l’apparence des choses. 

Alors la connaissance du Soi se révèle, dans un goutte à goutte précieux qui éclaire le mental, l’inspire, jusqu’à ce que celui-ci, travaillé au corps, dans le corps, et au cœur-même de ses systèmes les plus résistants, ce mental donc, dont l’ego s’enorgueillit et sur lequel il appuie son pouvoir, ce mental, enfin, se fasse miroir fidèle d’une Illumination irradiant d’une Source, le Soi, dont la connaissance dépendra d’une prise de conscience forte : aucune guérison ne peut survenir si l’on s’en tient à cette connaissance de soi, où, l’ego est au cœur d’un processus acteur/acteur, victime/bourreau, entretenant lui-même une souffrance devenue son fonds de commerce… et celui des autres ! C’est au présent, dans le présent, avec le présent que tout est possible. Accompagner une personne dans sa quête de paix avec elle-même, c’est avant tout la restaurer AU PRÉSENT : c’est à dire lui donner déjà la possibilité d’être solide dans le maintenant d’ici, en s’occupant bien évidemment, et aussi, du corps, réceptacle des mémoires enfouies, et miroir des blocages et résistances du mental. Le témoin du passé c’est le corps, c’est lui qui mérite avant tout notre attention, c’est lui qui manifestera la guérison, qui exprimera le mieux-être, et c’est donc lui qui alchimisera ce passé si lourd à porter, par des crises de guérison, éliminations des toxines passéistes, émotions refoulées, rancœur, rancune et autres résistances inavouées… C’est le corps qui parle d’expériences, d’émotions. C’est lui qui nous dit qui nous sommes, c’est lui qui indique les blocages, et c’est lui qui a pour mission de comprendre vraiment, ou plutôt d’intégrer l’information. Quant au mental que l’on sollicite pour résoudre le passé, lui, se contente de réarranger « l’histoire » afin qu’il puisse, avec l’ego, couler des jours malheureux certes, mais sous contrôle et prévisibles ! Ainsi, un corps qui enfin se libère des outrances du mental est un premier pas certain vers une autre connaissance, indicible, mais dont le ressenti se manifeste au fil des étapes libératrices, corporelles, donc émotionnelles, d’un passé dont l’accès ne peut se faire que par le biais du corps.

C’est au cours de cette démarche qui inclut aussi une écoute du cœur, empathique et bienveillante, que l’histoire passée sera révélée par petites touches ou grandes secousses, en tout cas dans un respect du seuil de digestion de la personne… et ceci par un Autre en elle, le Soi. La nécessité de la connaissance de soi n’a de sens que si l’on ne s’éternise pas sur les problématiques du passé, afin de laisser être ce qui le doit pour nous éloigner du personnel et nous acheminer doucement (pas toujours !) mais sûrement vers une distanciation salutaire de la sphère nombrilique ! Alors le Soi, Maître Intérieur et joyau de notre évolution, laissera se déverser au juste rythme, la Connaissance, clef d’un chemin, où loin du personnel, en faisant taire le mental, nous ouvrons grand notre cœur, notre corps, à la transformation tant souhaitée, mais dont nous voulions garder le contrôle ! C’est ainsi que le développement personnel peut représenter un piège pour ceux qui s’y éternisent : l’ego a tout loisir de s’y épanouir, en faisant pourtant croire qu’il a disparu !!! Lorsque le corps reçoit de l’attention et qu’il est traité avec amour, dans le cadre thérapeutique, alors cette reconnaissance fait du bien au corps bien sûr, mais au cœur également, dont on sait bien aujourd’hui l’impact de cohérence qu’il a sur tous nos systèmes. Et cette reconnaissance, cette attention viennent peu à peu guérir vraiment du passé, en permettant à la personne d’entrer en paix avec elle, les autres, le monde, et la vie elle-même. Plus on s’éloigne de l’histoire personnelle, plus on s’ancre au présent, plus on accueille, et plus on sourit à l’instant, et plus l’autre Connaissance, éternelle et pérenne vient visiter, révéler, et panser nos blessures, même les plus subconscientes… et c’est la seule et unique guérison, celle qui descend jusque dans la cellule afin d’y raviver la Lumière Originelle : et c’est ainsi que le passé se transforme, et c’est ainsi que l’on marche vers le Soi, dans une évolution impersonnelle…  Connaissance de soi et du Soi, si la nécessité de la première s’avère juste sur une courte durée, le temps de savoir dans quel bain informatif on a grandi, l’autre est la Vie elle-même, l’Essence du chemin, le viatique d’un retour vers Soi, incontournable pour celui qui se souvient… enfin !